ELSA TOMKOWIAK : « LA COULEUR STIMULE, ÉVEILLE, AIGUISE »

5 novembre 2025

L’artiste plasticienne s’emballe pour les espaces qu’elle investit - l’Assemblée Nationale, l’escalier de la Seine Musicale - et propose à la Samaritaine une œuvre immersive, pour célébrer l’esprit de Noël en couleurs et en rubans. Magique !


D’où vient votre goût pour l’art et la couleur ?

J’ai toujours aimé dessiner et mes parents étaient amateurs de musique, j’ai donc souvent trouvé des liens entre la musique et l’art plastique. Dans les deux cas, c’est une histoire d’énergie et d’émotions. Quand je travaille, j’appréhende les espaces comme si c’était une chanson, une expérience sensorielle. J’ai fait les Beaux-Arts de Dijon pendant cinq ans, mais je ne me suis jamais formulée que je voulais devenir artiste. C’est venu en travaillant. Après plusieurs résidences d’artistes, j’ai eu un premier gros projet à Lyon, puis des expositions et des invitations à Nantes, Paris et ailleurs.

Comment définiriez-vous votre pratique ?

Je me pose des questions de peintre avant tout : la matérialité, les couleurs, la lumière, le geste... Au lieu d’être coincée dans son cadre, ma peinture entre en connexion et en discussion avec le réel : l’architecture, le paysage. Dans ma pratique, il y a quelque chose de performatif parce que les productions sont grandes, la rapidité d’exécution m’oblige, je ne peux pas revenir dessus. Dans l’action de peindre, tout mon corps est engagé.

Quel est votre processus créatif ?

J’appréhende d’abord l’espace à investir, qui est parfois très vaste. Ensuite, je m’intéresse aux contraintes (sécuritaires, liées à l’environnement, etc…) en me demandant de quelle manière elles vont fabriquer le projet, comment trouver une alchimie. Puis je choisis les matériaux, je réalise des photos montages, je travaille la texture et la couleur en petits croquis pour baliser la peinture et assurer la rapidité d’exécution. Le jour J, je n’ai plus qu’à me concentrer sur le plaisir d’apposer les couleurs avec un balai, qui me permet un recul et une amplitude de mouvement. Le résultat final est souvent très fidèle au croquis, mais il y a une sensualité dans la peinture, et une interaction avec la lumière qui traverse les objets peints. C’est toujours une surprise.

La lumière influence beaucoup votre travail, quelles sont vos autres sources d’inspiration ?

Tous les phénomènes naturels ! La houle, la forme des nuages, les minéraux… J’ai une approche très enfantine de tout cela, avec beaucoup de curiosité et de poésie. Je cherche à représenter des sensations éprouvées dans la contemplation et dans les différences d’échelle. On se sent tout petit face aux éléments ! Dans l’architecture aussi, je peux être fascinée par un bâtiment ou des lignes octogonales qui peuvent produire une émotion similaire à la peinture.

La couleur a-t-elle un pouvoir ?

Elle en a même plusieurs ! La couleur stimule, éveille, elle impacte le bien-être des gens, elle vient aiguiser des endroits de notre être comme le fait le son.
Avec les couleurs flashy, saturées à l’extrême, je vais chercher ce qui amène des énergies positives voire agressives. Ce sont aussi les tonalités qui entrent le mieux en interaction avec la lumière. Ma couleur préférée est définitivement le rose fluo, qui dégage une émotion vivante. Elle fait rayonner tout le monde ! Ce qui m’intéresse, c’est de faire se rencontrer des éléments qui n’ont rien à voir a priori - un bâtiment patrimonial et une couleur fluo - et être surpris de voir qu’ils peuvent fonctionner ensemble. Comme pour les gens !

Qu’incarne la Samaritaine pour vous, et l’art d’offrir à l’honneur cette saison au grand magasin ?

La Samaritaine est un mythe ! Je pense tout de suite au film Holy Motors de Leos Carax, où l’on voit Kylie Minogue chanter sur le toit. J’adore les vagues du Nouveau Bâtiment et ce dialogue entre le contemporain et l’historique. Je suis ravie de pouvoir participer à Noël, qui est une période très importante pour moi, une fête que l’on fabrique tous ensemble pour rendre ce moment magique. J’adore faire les décorations, penser la table, le repas, c’est un vrai projet créatif ! Cela va de pair avec le plaisir d’offrir. Je fais à la main mes paquets cadeaux avec des motifs, du papier que je peins et que je personnalise.

Comment allez-vous interpréter le ruban au grand magasin ?

J’utilise souvent des matériaux issus de l’architecture ou de l’industrie, notamment des rubans de PVC souples que je détourne et que je peins. Sur la passerelle Baillet, je propose une expérience immersive avec ces rubans colorés. Lourds et mobiles, ils « tombent » bien, les gens pourront les toucher, les traverser de part et d’autre. La peinture sur les lanières se prolonge jusqu’au plafond. Et sur le grand mur côté Nouveau Bâtiment, près de l’escalator, des rubans de plastique plats et transparents vont s’entremailler comme un matériau de tissage en version XXL.

Quelle expérience souhaitez-vous proposer aux visiteurs ?

Un petit émerveillement de Noël ! Une immersion chaleureuse et une explosion des sens. Je veux que le visiteur soit stimulé par ce qu’il voit comme un enfant, que ça suscite quelque chose de joyeux. Ce tissage, c’est nouveau, ça fait longtemps que j’y pense. Il y a l’idée du lien, de l’entrelacement, de la connexion... C’est parfait pour Noël !