Guy Drut : « Aujourd’hui, j’essaie de transmettre »

30 avril 2024

Le champion d’athlétisme expose à la Samaritaine, dans le cadre des « Légendes Mondiales du Sport », le short, le maillot et le dossard qu’il portait lors de sa victoire au 100 mètres haies, à Montréal en 1976. Sa carrière, ses souvenirs… Guy Drut nous raconte quelques grands moments.

Comment avez-vous démarré l’athlétisme et à quel moment avez-vous compris que vous en feriez un métier ?

Mon père et mon grand-père étaient footballeurs, donc naturellement je le suis moi-même devenu. Rapidement, je me suis orienté vers l'athlétisme, parce qu’il y avait un très bon club dans ma ville. J’aimais tout : le saut, la course, le lancer… J’ai commencé par sauter à la perche, jusqu’à Munich en 1972 où je suis arrivé deuxième, et à partir de là je me suis consacré au 110 mètres haies. Cela faisait partie de mon entraînement pour le saut à la perche et on s’est rendu compte, un peu par hasard, que j’allais très vite. J’avais égalé le record de France à l’entraînement ! J’ai été champion d’Europe à Rome en 1974, et puis champion olympique à Montréal en 1976.

Vous souvenez-vous de l’épreuve en elle-même à Montréal ?

Bien sûr ! Je me souviens des séries qui s’étaient bien passées, et les demi-finales très mal. Je n’étais pas dans le coup. J’ai senti Alejandro Casañas Ramírez et Willie Davenport me dépasser, et je ne pouvais pas les rattraper. J’ai eu une baisse de moral extraordinaire. Je suis remonté dans les tribunes et j’ai vu mes proches, toutes celles et ceux qui avaient confiance en moi. Je me suis dit que je ne pouvais pas me dégonfler. Le déclic s’est produit à ce moment-là, et je suis redevenu le vainqueur que j’avais toujours été. À la finale, je n’étais pas en tête à la première haie mais à partir de la troisième oui. J’ai gardé 30 centimètres d’avance qui valaient de l’or.

Qu’avez-vous ressenti à ce moment-là ?

J’ai eu un moment de doute qu’on voit à la caméra, je me montre la poitrine. Quand je lève les yeux vers le tableau électronique dans le stade et que je vois ma photo, c’est un soulagement. C’est quand même moi qui ai gagné, parce que c’était pas donné ! D’abord c’est une fierté très égoïste, et puis on pense à notre entourage à qui ça fera tellement plaisir.

Quel rapport aviez-vous en tant qu’athlète avec les vêtements de compétition ? Notamment ce maillot, ce short et ce dossard ?

Les vêtements de compétition étaient très importants pour moi ! On porte toujours les mêmes. Au bout de trois jours, ça ne sent plus très bon mais je n’aurais pas pu courir avec un nouveau short, un autre maillot ou des nouvelles chaussures. Pour les tennismen ce sont leur raquette, pour les skieurs leurs skis, pour un pilote c’est sa combinaison… D’autres encore ont des grigris mais ce n’était pas mon cas. C’est à la fois de l’ordre du rituel et du talisman, avec un peu de superstition… Mais pas trop, sinon ça porte malheur !

Rétrospectivement, en quoi votre carrière de sportif a-t-elle construit l’homme que vous êtes devenu ?

J’ai toujours su écouter et utiliser les conseils qui m’étaient donnés. Que ce soit de mon entraîneur qui était mon père sportif, Jacques Chirac qui était mon père politique, Raymond Lorre - le Président du Stade Français - qui était mon père spirituel… Je crois qu’il y a trois grandes étapes dans la vie : d’abord on apprend, ensuite on entreprend, et aujourd’hui j’essaie de transmettre.

Vous avez fait carrière dans la politique ensuite, en tant que Ministre des Sports, et membre du CIO. Une manière de poursuivre votre engagement envers les valeurs sportives ?

La politique, c’est être au contact des autres, ce que j’aime profondément. En 1983, j’ai commencé en devenant conseiller de Paris, puis maire de Coulommiers… Je retrouve les qualités nécessaires au sportif : le courage, la ténacité, l’enthousiasme, et ce goût du contact.

Quel regard portez-vous sur l’exposition « Les Légendes Mondiales du Sport » à la Samaritaine ?

Je trouve que c’est une superbe idée. Je suis très fier qu’il y ait mon maillot de Montréal ! Offrir la possibilité de voir ces objets ici, c’est exceptionnel. La Samaritaine est un patrimoine particulier qui me touche, mais je ne suis pas un habitué, c’est plutôt madame Drut qui fait du shopping !

Aujourd’hui, quel est l’uniforme qui vous ressemble le plus pour tous les jours ?

J’essaie de ne pas être toujours en survêtement ! Je considère que la grande élégance, c’est de savoir s’habiller en fonction de l’événement. Quand on va voir une compétition dans un stade, on peut être en baskets avec un maillot sous sa veste, mais ça ne fonctionne pas partout. J’ai 6 enfants dont 5 filles, elles sont attentives à cela, j’essaie de ne pas leur faire honte !

La campagne de cet été à la Samaritaine célèbre les sportifs de tous les jours. De votre côté, qu'y a-t-il de plus sportif dans votre quotidien ?

La marche ! J’ai plus de 70 ans, je ne peux plus courir ni jouer au tennis, donc je joue au golf. C’est toujours dans de beaux endroits, ça dure 4 heures… On marche et on se vide la tête !

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