Régis Mathieu : « Le lustre est le costume d’un moment important »

3 novembre 2023

Des vitrines à l’intérieur du grand magasin, traversez plus de 600 ans d’histoire grâce à une sélection d’exception signée Mathieu Lustrerie, mais aussi dans le cadre d’une exposition qui vous donnera des étoiles dans les yeux. À la tête de cette maison exigeante, Régis Mathieu partage sa passion pour ces pièces majestueuses.

Comment est née votre passion pour les lustres ?

Je suis tombé dedans, comme Obélix avec la potion magique ! Mon père a commencé en 1948, ma mère a repris en 1982, puis moi dix ans plus tard. Ma fille va continuer après moi, ça reste dans la famille ! Le lustre évoque quelque chose d’ancien, alors que c’est une œuvre d’art au centre d’une pièce. En travaillant sur l’histoire des lustres, j’ai compris qu’on gâchait l’objet en pensant qu’il servait à l’éclairage. Il est fait pour rendre plus beau un moment important. C’est un vrai cadeau de lumière, qui crée une émotion forte.

Qu’est-ce qui vous plaît dans votre métier aujourd’hui ?

Nous avons quatre métiers différents : la restauration, la création contemporaine, la réédition d’anciens et la collection ou la vente de lustres anciens. J’aime faire découvrir aux gens un objet et un savoir-faire dont ils n’imaginent pas la richesse. J’ai travaillé des pièces pour des lieux magiques, comme l’Opéra de Paris, Versailles ou l’Assemblée Nationale ! Je parfais ma culture des lustres au fil du temps et ça me passionne toujours autant. C’est un apprentissage infini, il me faudrait plusieurs vies pour tout connaître !

Avez-vous un souvenir d’un lustre particulièrement challengeant ?

Le plus chargé d’émotions et d’Histoire, est celui que Louis XV a offert à madame de Pompadour, orné de perdrix et cors de chasse. J’ai mis deux ans à le reproduire, et finalement, on a cru que c’était l’original ! J’en ai fait quelques-uns pour des collectionneurs.

Le lustre est souvent associé à une belle table, et à la fête, le thème de Noël à la Samaritaine. Qu’apporte-il de plus ?

Quand on invite à un dîner aux chandelles, on invite à un moment unique ! Le lustre doit être à la hauteur d’un événement. Pour celui qui l’utilise, c’est un code de ce qu’on veut faire passer comme message. C’est lié à l’art de recevoir, le lustre incarne le costume du moment important.

Pouvez-vous nous parler des lustres choisis pour les vitrines et les autres espaces en magasin ?

Il y en a une vingtaine en tout, dont plusieurs font l’objet d’une exposition côté Rivoli. La sélection mêle des grands classiques du XVIIIème siècle, notamment l’un des plus célèbres de notre catalogue : une édition de la Galerie des Glaces à Versailles, issue de la collection royale. Ce sont des pièces françaises par excellence ! On trouve aussi quelques lustres iconiques d’autres époques pour montrer l’évolution : gothique, Napoléon III, Art Nouveau… Et enfin quelques-unes de mes créations qui perpétuent ces savoir-faire. Beaucoup sont plates, comme le croissant de lune. Suspendu au plafond, ça fait l’effet d’un bijou ! Se dévoilent aussi des lustres inspirés de la mer, en forme de méduse, avec des tentacules en cristal de roche, ou d’oursin doté de 800 pierres semi-précieuses. Quand les gens viennent à la Samaritaine, ils y perçoivent une culture avant tout. Les lustres rendent service à l’architecture.

Justement, que vous évoque la Samaritaine ?

La modernité folle que le monde a connu en 1900 ! Ce style, Art Nouveau, a été révolutionnaire. Cela se ressent dans l’architecture, la Samaritaine a une justesse extraordinaire, elle incarne la rupture avec le passé. C’est la création d’une émotion à partir de fer forgé, d’une rampe d’escalier, d’un dessin… Ce n’est jamais « has been ». J’ai beaucoup de sensibilité pour ces bâtiments contemporains qui ont pourtant 120 ans.

Si la Samaritaine était un lustre, à quoi ressemblerait-il ?

Il serait dans cet esprit Art Nouveau, avec des jeux de matériaux différents, et raconterait une histoire à lui tout seul ! Un objet qui se sert de ce qui existe à son époque, s’inspire de la nature, et sera éternellement moderne.