Ce passionné de sport a collecté un grand nombre de pièces ayant appartenu à des athlètes de haut niveau du monde entier lors de compétitions. Pour la première fois, elles sont rassemblées en une exposition exceptionnelle au sein de la Samaritaine, « Les légendes mondiales du sport ». Entre anecdotes, genèse du projet et émotion, il nous raconte sa quête effrénée et sa fervente envie de valoriser le sport.
D’où vient votre passion pour le sport ?
J’ai toujours été bercé par le sport. Mon père jouait au basket à un bon niveau, et un cousin éloigné de mon grand-père était champion de cyclisme, André Darrigade. Il a gagné 22 étapes du tour de France, on l’appelait « le Lévrier des Landes » ! Mon père s’appelle comme lui en hommage. Et aujourd’hui, je partage cette passion avec mes enfants. Il y a un véritable héritage.
Vous étiez vous-même sportif ?
J’ai fait beaucoup de tennis, j’ai même joué contre Roger Federer quand j’avais 12 ans ! J’aimais ça mais je n’avais pas les moyens ni le talent de devenir professionnel. À 14 ans, j’écrivais des articles sur la NBA dans le Populaire du Centre de Limoges d’où je suis originaire. J’étais déjà passionné par tous les sports.
Qu’est-ce que le sport vous apporte ?
Ça m’a donné les valeurs qui m’ont toujours guidé : la rage de vaincre, la capacité de me relever après une défaite, la résilience… Le sport m’a aidé à me dépasser pour atteindre mes objectifs. Et cette exposition, d’une certaine façon, me permet de lui rendre tout ce qu’il m’a apporté. Je suis comme un enfant quand je participe à un événement sportif. Pour les Jeux Olympiques de Paris cet été, je ne pars pas en vacances, j’ai posé 15 jours pour voir 15 épreuves, parce que ce n’est qu’une fois dans une vie ! Qu’on aime ou non le sport, il est vecteur de grandes émotions, tout le monde se souvient par exemple où il était le 12 juillet 1998 !
Quelle a été justement votre première grande émotion sportive ?
C’était le 15 avril 1993 quand Limoges CSP est devenu champion d’Europe ! Je suis rue Jean Jaurès, Richard Dacoury porte la coupe, j’ai 13 ans et je comprends qu’il se passe quelque chose de fou. Plus tard, le 26 mai, c’est l’OM qui est champion, et je supporte Marseille parce qu’une grande partie de ma famille est là-bas. En deux semaines, les deux clubs que je soutenais ont donc eu les deux premiers titres du sport collectif. Et l’émotion était incroyable pour moi ! Quand j’ai commencé ma collection d’objets sportifs, je voulais retrouver cette émotion de ma jeunesse.
Comment a-t-elle démarré ?
Début 2017, avec un maillot de Diego Maradona, que j’ai trouvé lors d'une vente aux enchères à Drouot, un peu par hasard. Quand j’ai reçu le maillot à la maison une semaine après, j’ai compris que le but n’était pas juste de posséder un maillot dans mon salon, mais de partager ma passion. Les JO 2024 étaient déjà attribués à Paris à ce moment-là, et j’ai eu l’idée de faire une sorte de musée des légendes du sport.
Comment trouvez-vous les pièces ?
La collection est un ensemble d’objets que j’ai achetés, et d’autres qu’on m’a donnés. Il faut de la patience, de l’audace, et de la détermination ! J’ai aussi eu la chance d’avoir le soutien de ma femme depuis le début. Les objets passent entre les mains de Jean-Marc Leynet, un expert qui certifie l’authenticité des objets, pour assurer qu’ils ont bien été portés par un athlète pendant une compétition. J’ai commencé à contacter des sportifs au culot, et ils ont très vite adhéré à mon projet, touchés par mon discours. Ils m’ont dit qu’ils donnaient des objets à des gens au cours de leur carrière sans savoir ce qu’ils en faisaient ensuite. Là, les athlètes ont senti que j’étais passionné, et à quel point le sport m’inspire. J’ai donc contacté les sportifs et leurs agents dans le monde entier, habité par cette volonté de créer quelque chose qui n’existait pas.
C’est-à-dire ?
Il y a un musée national du sport, un musée de l'olympisme à Lausanne, des Hall of Fame en tennis ou en basket, un musée de Fédération de foot, mais il manquait un endroit lié aux légendes mondiales du sport, toutes disciplines confondues. Très vite, je me suis dit que pour les Jeux Olympiques de Paris 2024, j’allais créer ce Hall of Fame en mettant en avant tous les sportifs qui, par leur aura, leur palmarès, leur personnalité, ont dépassé le cadre du sport.
Quelle émotion vous procure la rencontre avec un athlète ?
Je me rends compte de la chance que j’ai. Beaucoup de choses se passent dans ma tête, je me revois plus jeune, devant ma télévision ou au stade à admirer ces gens qui me font encore rêver aujourd’hui. À chaque rencontre je suis touché, que ce soit dans le rugby, le basket, l’athlétisme, par des contemporains ou des anciens. J’ai un respect immense pour Guy Drut par exemple. Quand on parle de sport on sent qu’il est encore habité, c’est très émouvant.
Quelles sont celles qui vous ont le plus marquées ?
Le premier que j’ai rencontré, c’est Martin Fourcade, qui m’a confié un des dossards avec lequel il a été champion du monde. J’ai revu Roger Federer en 2019, dans le salon des joueurs à Wimbledon. Il dégage un charisme incroyable… J’ai le ciré et le pantalon d’Armel Le Cléac'h, qui ont fait le tour du monde pour le Vendée Globe ! Quand il m’en a fait don, je lui ai demandé s’il avait un souhait pour l’exposition. Il m’a confié qu’il aimerait être près des objets de Tiger Woods parce qu’il l’admire énormément. J’adore ce lien entre sportifs ! Me dire qu’on va réussir à tous les rassembler est bouleversant.
Quelle est votre plus grande idole à vous ?
Michael Jordan ! Il incarne le sportif qui a réussi par excellence, à la fois dans son job et dans sa reconversion. Et puis en ayant grandi à Limoges, le basket est une religion ! Quand j’étais adolescent, son équipe, les Chicago Bulls, régnait aux États-Unis et donc mondialement. Et puis il y a eu les Jeux Olympiques de Barcelone en 1992 et cette équipe qu’on appelait la Dream Team, avec toutes les stars américaines. Ils ont montré au monde entier qu’ils étaient les plus forts ! J’ai toujours rêvé d’avoir ces maillots-là. Un de ceux porté par Michael Jordan en 1992 est exposé à la Samaritaine, c’est unique au monde. C’est ma pièce la plus incroyable, celle à laquelle je tiens le plus, à la fois pour ce qu’elle représente et parce qu’il est pour moi l’un des plus grands sportifs de tous les temps.
Que représente plus généralement cette exposition pour vous ?
C’est la concrétisation d’un rêve de gosse ! Le sport c’est l'art et la culture, ça rassemble toutes les générations, toutes les religions, toutes les classes sociales. C’est cette émotion que je veux capter et partager avec les fans de sport, les touristes, les curieux. L’objet sportif est le témoin d’une histoire qui mérite d’être racontée.
Que voyez-vous dans ces pièces ?
Leur beauté déjà, et leur symbolique. Elles procurent de l’émotion parce qu’elles sont liées à un événement, et qu’il y a tout un récit derrière : le tirage au sort pour les couleurs des kimonos, la couleur blanche imposée à Wimbledon… Tous ces objets évoquent la culture de la discipline, et cette culture sportive est aussi importante pour moi qu’une culture littéraire ou historique. Lorsque Jesse Owens gagne aux JO de Berlin en 1936, il y a une dimension politique forte, liée à l’Histoire et à l’Homme. C’est pour cela que certains sportifs font autant rêver les jeunes. Ce sont eux et les artistes auxquels ils s’identifient qui vont leur permettre de se dépasser pour devenir comme leur idole.
Pourquoi cela faisait-il sens d’exposer votre collection à la Samaritaine ?
Ce qui était important pour moi, c’était de partager ma passion, je voulais que ce soit un projet à but non lucratif. Ici, c’est gratuit et accessible à tous, tout le monde va pouvoir admirer ces objets d’exception. Pour les exposer, je voulais un monument historique, ce qu’incarne la Samaritaine pour moi. C’est un lieu qui représente le luxe et la culture française.
Qu’avez-vous envie de susciter chez le visiteur ?
Beaucoup de Français n’auront pas la possibilité d’assister aux Jeux Olympiques, c’est donc leur donner la possibilité de vivre un frisson : admirer un Ballon d’Or, une Coupe du Monde, une raquette de Roger Federer, un maillot porté par Michael Jordan, des pointes d'Usain Bolt… Le fait qu’ils puissent voir et rêver à travers ces objets était essentiel. Ça m’anime parce que je pense qu’enfant j’aurais adoré avoir l’occasion de visiter un lieu comme celui-là. J’aimerais que les visiteurs soient surpris, qu’ils aient envie de creuser l’histoire rattachée à l’objet. Je veux susciter de l’étonnement, de l'admiration, de l’engouement pour les sportifs.
Comment voyez-vous la suite ?
Ma volonté était de mettre en avant les pièces les plus difficiles à trouver, valoriser les athlètes, montrer ma sincérité dans ma passion et dans l'approche humaine. Maintenant, je veux faire grandir la collection pour continuer de tracer l’histoire des légendes du sport. Ça s'écrit tous les jours !
© Stéphane Feugère